Devant la recrudescence d'actes homophobes et transphobes et ce que traverse l’Eglise catholique, notre frère prieur, Jean-Michel, réagit :
En exagérant l'amour, je me vengerai.
Moi, Jean-Michel, j'ai 13 ans, je viens d'entrer en quatrième, ce matin-là, je vais encore faire l'expérience de la méchanceté gratuite.
« Pédale, tapette, enculé… ! », je rejoins ma classe située au deuxième étage de mon collège, « La Combe de Savoie » à Albertville, sous les insultes.
Jamais, je n'ai oublié la violence de ces mots qui me tétanisent.
La haine commence toujours par des mots.
La force des mots haineux laissent, encore aujourd'hui, en moi, une trace indélébile de vulnérabilité.
Comment oublier ce parcours de la honte, cette absence de confiance en moi, ce désir éperdu de reconnaissance, ces difficultés scolaires… ?
J'ai souvent pensé à me venger.
J'ai découvert très tôt que là n'était pas mon chemin de vie, considérant la vengeance comme une violence reproduite presque à l'infinie.
La vie m'a offerte une revanche :
Depuis plus de 25 ans, je travaille dans l'Enseignement Catholique, au service de la Pastorale scolaire.
Au cœur de l'Évangile que je souhaite vivre et rayonner dans « mon » lycée, résonne l'appel au respect de chaque personne.
Un rêve, une illusion ? : que jamais un jeune qui est confié à ma mission pastorale n'ait à vivre ce que j'ai vécu à son âge.
Là est mon combat quotidien, un combat d'une brûlante actualité lorsque l'on sait les ravages du harcèlement chez les jeunes quelque soit leur milieu social…
Devant la recrudescence d'actes homophobes et transphobes, je me battrai toujours.
Notre Communion Béthanie lutte par la prière d'intercession et par une parole claire, sans compromis, devant cette vague de violence, d'où qu'elle vienne.
Je reçois ce matin un message d'une toute jeune personne transgenre : « Je vous remercie grandement pour votre bienveillance à mon égard et pour votre présence. »
En exagérant l'amour, je me vengerai.
Moi, Jean-Michel, j'ai 21 ans, écartelé, entre mon vif désir de donner ma vie à Jésus le Christ, à Son Église et mon homosensiblité qui s'exprime par des actes sexuels, une recherche intense de tendresse.
Je me confie à un frère, dans une communauté dite nouvelle.
Il m'invite à lire certains versets bibliques relatifs, selon lui, à l'homosexualité et me rappelle avec forte conviction la doctrine de l'Eglise. Il m'invite à lire la lettre aux évêques du cardinal Joseph Ratzinger, sur la pastorale à l'égard des personnes homosexuelles.
Cette lettre vient d'être publiée le 1er octobre 1986.
Ce frère va me dire, ce jour-là et à de nombreuses reprises, au nom de Dieu, ce que je dois vivre, ce que je dois penser.
Comment oublier ces années où j'ai été victime des abus de pouvoir d'hommes et de femmes d’Église ?
Comment sortir des griffes des dérives sectaires… ? C'est, me semble-t-il, le chemin de ma vie, mon chemin de libération.
Aujourd'hui, je ne vous cache pas ma colère, un sentiment profond d'injustice et de trahison.
Au moment où je vous écris, ce frère a été jugé et condamné pour des actes de pédophilie.
J'ai rencontré de nombreuses personnes au discours parfaitement « dans les clous ! » qui sont aujourd'hui face à la justice civile et à celle de l'Eglise.
Je prie pour elles mais vous ne pourrez pas m'interdire de me poser cette question criante :
Comment ont-elles pu être dans une telle incohérence de propos et d’actes ?
Devant tous les abus de pouvoir, la violence des mots, les postures suffisantes, dans l'Eglise, je me battrai toujours.
Notre Communion Béthanie lutte pour être un espace de croissance et de liberté où chacun-e marche avec Jésus le Christ, dans le respect absolu de sa singularité.
« N'étant ni une association de fidèles, ni une communauté nouvelle et encore moins une communauté religieuse, la Communion Béthanie n'a donc aucun compte à rendre sur la vie privée de ses membres. Il n'y a pas de hiérarchie, mais seulement un prieur et seule une charité active et concrète tient lieu de règle et d'ascèse » cf. « à propos » sur notre site.
Alors que l'Eglise catholique vit un véritable tsunami, je regarde souvent cette photo prise à l'Abbaye Notre-Dame de Tamié.
Depuis ma prime jeunesse, seule la Vierge-Marie peut dire mon vécu, devant cette statue !
Les mains de l'humble servante de Nazareth « racontent » toute ma vie spirituelle, tout mon désir dans l'Eglise.
Cette Église que j'aime tant, à qui je veux offrir mes mains…
« Pour qu'une vie soit belle, il n'est pas indispensable d'avoir des capacités extraordinaires ou de grandes facilités : il y a un bonheur dans l'humble don de sa personne » frère Roger de Taizé.
En exagérant l'amour, je me vengerai.
Jean-Michel+ Dunand
frère prieur de la Communion Béthanie