Retraite annuelle d’été de la Communion Béthanie
Un crucifix de bois très pauvre, posé sur deux bottes de foin. Les carmélites en tenue de travail qui nous invitent à chanter les vigiles au coucher du soleil devant les champs fraîchement fauchés. C’est ainsi que s’ouvre, sous la voûte d’un ciel étoilé bourguignon, notre retraite au Carmel de la Paix en ce mois de juillet 2016.
Le champ des oiseaux, un soleil radieux, la danse des papillons autour des fleurs, nous nous retrouvons dans un environnement porteur qui nourrira notre intériorité au fils des jours. « Communion Béthanie, terre de silence et de miséricorde » tel est le thème choisi pour cette retraite d’été où chemine ensemble une quarantaine de frères, sœurs et amis.
Au commencement du chemin, Jean Michel, notre frère prieur, rappelle l’intuition phare de notre communion : oser descendre en nous, là où murmure la source de notre vie, Jésus, le Christ. En Communion Béthanie, nous sommes invités à vivre un monachisme intériorisé. Comme le moine et la moniale, nous désirons faire silence au cœur du monde et nous laisser transfigurer par Jésus. Ainsi nous deviendrons icône de Sa Présence. Ce chemin d’intériorisation est un chemin d’amour qui nécessite un travail patient, où il s’agira surtout de se laisser aimer. Dieu nous prend tel que nous sommes et nous apprendra peu à peu à bien orienter tous nos désirs. Car comme le dit Jean Michel, citant un moine orthodoxe, « Il n’y a pas de mauvaises herbes, il n’y a que des herbes qui ne sont pas à leur place ». La communion sera aussi ce petit laboratoire où nous essayons d’aimer. Nous aimer nous-même, et aimer l’autre, sans jamais exercer sur lui de pouvoir, de séduction ou de manipulation. Cet « art d’aimer » avec justesse, chastement, nous est enseigné par Jésus lui-même. Enfin, notre monachisme intériorisé sera aussi intercession constante pour tous nos frères et sœurs en humanité.
Pour plonger au cœur du thème de la miséricorde, notre frère Bernard nous offre un petit voyage au cœur de la Bible. Contrairement aux idées reçues, le Dieu de justice (assimilé à l’ancien testament et son « Dieu punisseur ») ne s’oppose pas au Dieu de miséricorde (les évangiles et son « doux Jésus »).
Dès la Genèse, l’homme est tissé dans des entrailles de miséricorde, crée à l’image de son créateur, pour lui ressembler. C’est sa vocation d’aimer comme il est aimé. Or, quand l’homme s’éloigne, rate la cible de l’amour en se laissant berner par d’illusoires mirages, Dieu va faire œuvre de justice, non pas pour le brimer mais réorienter ses désirs. En quelque sorte, Dieu est touché aux entrailles quand il voit l’homme prendre des chemins de mort alors qu’il est né pour la Vie. Nous serons donc parfois émondé par notre Père, parce qu’il voit grand pour nous…Toute l’histoire biblique reprend cet équilibre entre justice et miséricorde de Dieu. Ne les opposons pas !
À mi-chemin de la retraite les participants ont eu la joie d’être accueillis en clôture, pour rencontrer la communauté des carmélites. L’occasion d’échanger librement avec nos sœurs en toute fraternité. Sœur Marie Paule, prieure à Mazille, évoque le chemin parcouru par notre Communion depuis quelques années. « Vous avez mûri, l’Esprit est à l’œuvre ! »
L’arrivée à Mazille de Marie-Laure Durand, théologienne, ouvre une autre étape de la retraite. Nous approfondissons le thème du silence. Pour évoquer cette réalité décisive pour le priant, Marie Laure commence à parler…du bruit ! Bruit extérieur mais surtout bruit intérieur assimilable à une radio incessante qui nous envahie de jour comme de nuit…
Pour rentrer dans le silence véritable il faudra d’abord reconnaître tout ce brouhaha interne fait de jugements, d’étiquetage sur tout, d’émotions envahissantes…
Nous pourrons ensuite descendre plus profond et accueillir le réel dans sa complexité, ouvert à ce qui surgit, libéré de ce que l’on croit savoir sur soi, sur les autres et sur Dieu. Marie Laure évoque aussi ce que dit la bible sur le silence. Avec cet aspect crucial : le silence de Dieu. Pourquoi Dieu n’intervient-il pas ? Or, ce n’est pas parce que je n’entends pas Dieu qu’Il ne me parle pas. Saurais-je l’écouter ? Je ne peux pas l’entendre si mon attente est trop précise. Le silence de Dieu interroge ma théologie, ma manière de penser le Tout Autre. Heureux silence qui me déloge de ce que je crois savoir. Bienfaisant silence qui m’entraine vers l’inconnu…
Autre visite durant cette retraite à Mazille : Frère Émile de la communauté de Taizé, venu en voisin nous offrir trois mots clés chers à Frère Roger. Chercheur. Nous sommes tous des débutants en marche dans la vie spirituelle. L’Esprit est notre guide. Libre. Personne ne peut imposer la foi à un autre homme. Pas plus que Dieu ne s’impose à nous. Crée libre, à son image, nous inventerons une réponse personnelle à son appel. Confiance. Durant notre pèlerinage en ce monde, il sera bon d’oser la confiance. Cela suppose de sortir du scepticisme permanent, alibi pour ne rien entreprendre ! Et si la confiance était au commencement de tout ?
La Communion Béthanie est une petite fraternité de prière qui s’élargit. Outre la venue durant cette retraite à Mazille de nouveaux amis, nous avons célébré la célébration d’accueil de notre sœur L. et de notre frère T. Nous avons aussi partagé la joie de notre sœur L. qui a prononcé son vœu de charité.
La retraite s’est terminée dans l’action de grâce, chacune, chacun, repartant sur les chemins du monde, avec l’intime conviction que nous cheminons tous « de commencement en commencement » (Frère Roger)
Béatrice, une sœur de la Communion Béthanie