1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida | Et si nous décharpentions ?
« Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes.
Comme ils ne peuvent l'approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé. »
Bonne Nouvelle selon saint Marc (2,3-4)
Avez-vous remarqué que souvent notre lecture des Écritures est aimantée par un mot, une évocation, au risque de passer à côté d'un plus petit signe ?
Ici, le paralytique qui est à l'extérieur prend toute la place et c'est humain, parce qu'il faut quatre valides pour le transporter jusqu'à Jésus, Lui qui est bien au-dedans.
Le petit signe de ces deux versets est autre part. Quand la foule, c'est-à-dire toi et moi en somme, nous faisons barrage par notre simple présence, nos suffisances, notre superbe, à un autre petit comme nous, pour qu'il accède à la rencontre avec plus grand que nous, il y en a toujours pour inventer une nouvelle voie.
Ici on décharpente ! Et vas-y que que je t'enlève tout ça pour faire passer le grabat et plus important encore, celui qui est dessus.
Dans cette foule, il y a celleux qui se déplacent physiquement pour tenter d'approcher Jésus, pour l'écouter et il y a celleux qui voudraient bien l'écouter, mais occuper à servir font un pas de côté. Ils se décentre des actes habituels, attendus, pour mettre le paralysé au centre avec Jésus. Pour tout dire, ils innovent.
Au centre de cette foule, il y a Jésus qui, Lui, ne bouge absolument pas. Il attend que l'on vienne jusqu'à Lui.
Jésus n'est pas n'importe où non plus. Il est à Capharnaüm, hier un village de pêcheurs de Galilée, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade (ou Génézareth), aujourd'hui une bourgade non loin des vestiges de ce village ancien, au nord d'Israël. Le sens commun a retenu ce nom comme synonyme de grand désordre. C'est le cas ici. Pourtant au milieu de cette effervescence, Lui ne bouge pas, et surtout il est Parole. Capharnaüm était aussi appelé le « village du Consolateur ».
Alors que faire pour que ce 1er décembre ne soit pas une date de Journée mondiale de lutte contre le sida de plus, dans un grand désordre, une saint sida de componction ?
Si c'est possible, garder la joie au cœur toujours et malgré tout. Cela ne nous empêche pas de nous remémorer nos ami.e.s, fauché.e.s par les effets d'un virus dévastateur. Voir un à un leur visage et puis sourire ou pleurer si c'est ce qui nous vient naturellement à l'instant. Nous les imaginer membres de ses petits qui peuplent la communion des saints et nous recommander à leur intercession. Penser à toutes les personnes de notre entourage, et au delà, séropositives.
Nous demander aussi en quoi ces versets d'il y a si longtemps sont d'une actualité possible en ce 1er décembre.
Si à notre tour nous ne nous déplaçons pas de nos habitudes, si nous continuons à faire barrage, si nous devenons la foule, nous empêcherons malgré nous un.e autre à avoir accès à plus grand que nous. Ces versets ne nous auront rien appris.
Autrement dit, il est urgent de décharpenter pour poser une parole de baptisé.e aux personnes séropositives. Une parole ou un acte qui résonne comme autant de mots qui n'ont plus besoin d'être prononcés parce que dans l'acte tout est dit.
Décharpenter même si nous sommes en colère d'accompagner ce gay de 22 ans aux services des maladies infectieuses parce qu'il vient de découvrir qu'il est contaminé; le préservatif il n'en avait plus rien à battre. Pourtant il savait. Être aux côtés en tant qu'aîné.e, ne pas juger, comprendre, accompagner, rassurer, expliquer.
Décharpenter même si les charges virales sont indétectables, les effets secondaires du traitement trop présents.
Décharpenter pour accueillir la nouvelle pratique de la Prep, le traitement pré-exposition qui va entrer en action. La prévention s'adressant à celleux qui ont une sexualité, parler des auto-tests, de tout ce qui permettra que les séronégatifs le restent.
Décharpenter parce qu'au milieu de nos désespoirs, de nos fausses parfois abyssales, à toutes et à tous, Il se tient là sans bouger, à notre écoute, prêt à nous délivrer de nos grabats.
Décharpenter c'est inventer de nouvelles voies. A vous d'être débordant.e.s d'imagination !
Décharpenter, déconstruire, en ce 1er décembre et tout au long de l'année, c'est du reste être aussi certain.e d'atteindre un autre point où l'on reconstruit, répare, où l'on ne laisse aucune sœur, aucun frère sur le bord de la route. Permettre à tout.e.s de se relever.
Stéphane,
frère de la Communion Béthanie